Le Maroni long fleuve tranquille?

Maroni, un long fleuve tranquille ?

Le plus long des fleuves Guyanais qui dessine une frontière naturelle avec le Suriname, s’étend sur 520 km. Sa largeur est de 5km au niveau de l'estuaire formé par le Maroni et le fleuve Mana. Son débit moyen et de 1681 m3/s mais il peut atteindre un minimum de 54m3/s en saison sèche et 5450 m3/s lors de la saison des pluies!
5 communes se situent côté français: Saint-Laurent du Maroni, Apatou, Grand-Santi, Papaïchton, Maripasoula.
2 communes côté Suriname: Marowidjine et Sipaliwini
Se nommant tour à tour Maroni de l’embouchure à sa réunion avec le fleuve Abounami à Grand Santi, puis Lawa jusqu’à sa confluence avec l’Inini et enfin Litany depuis sa source aux TumucHumac.
Il nous transporte par sa diversité, la beauté de ses paysages, ses 90 « sauts » ou « soula » parmi lesquels saut Lessé Dédé, saut Poligoudou, Gros Saut, les rapides des Abattis Cotticas, dans une ambiance particulière, la vie du fleuve.

Les territoires Amérindiens :
Les Wayanas, du groupe linguistique et culturel Karib constituent l’un des principaux groupes amérindiens de l’est du plateau des Guyanes.
En Guyane Française, ils vivent aujourd’hui sur le Haut-Maroni dans les villages de Pidima, AntécumePata, Twenke et Taluen.
Plus anciennement implantés sur le territoire (depuis le 15ème siècle) les Teko également appelés Émerillons appartenant au groupe linguistique Tupi – Guarani, occupent les villages d’Elahe et de Kayode, ce dernier situé sur le fleuve Tampok affluent du Maroni.
Ces communautés sont tournées vers la chasse, la pêche, la cueillette et l’agriculture itinérante sur brûlis, les « abattis ». Cette dernière consiste à défricher un terrain puis à le brûler pour le cultiver. Le feu facilite le débroussaillage et enrichit le sol. Se sont les femmes qui s'occupent de l'abattis. Y sont cultivés divers fruits et légumes ainsi que l'indispensable manioc. Il fournit le cassave, galette ronde et plate, le couac, de la semoule, le tapioca et la bière locale faiblement alcoolisée, le cachiri.
La pêche se pratique à l'arc ou au filet. Durant la saison sèche et lorsque le niveau d'eau est bas, on pêche également à la nivrée. Après avoir empoisonné l'eau avec le jus d'une certaine liane, les poissons piégés remontent à la surface et il ne reste plus qu'a les mettre dans sont épuisette...
Artisans, ils sont spécialisés dans l’art de la vannerie, la perlerie ainsi que dans le travail du coton.
Les villages sont constitués de carbets familiaux. Le tukusipan, carbet collectif au toit arrondi sert aux réunions et aux cérémonies. C'est sous le ciel de case décoré d'animaux-esprits issus de la mythologie, que le chamane à la fois sorcier et guérisseur interpelle les "yoloks" (esprits), régit les pratiques rituelles et incarne la mémoire de la communauté.

Le pays Aluku :
À la fin du 18ème siècle, les premières populations de noirs marron apparaissent le long du Maroni.
Ces groupes de « marrons », esclaves rebelles appelés également Bushinengé, fuient la Guyane Hollandaise (actuel Suriname), résistent à l’armée coloniale et fondent des sociétés d’hommes et de femmes « libres ».
Trois de ces sociétés marronnes, les Aluku ou Boni les Ndjuka et les Paramaka s’installent en amont du fleuve Maroni auprès des indiens Wayana avant de se réinstaller sur le Lawa et fondent les villages de Loka, Boniville (Agodé), Tabiki et plus tard Papaïchton.
Aujourd’hui une grande partie de la population Aluku se répartit entre les communes de Maripasoula et de Papaïchton. Les Ndjuka sont installés en amont et en aval de Grand-Santi de la crique Beïman jusqu'au saut Lessé Dédé, ainsi que sur une partie du Tapanahoni. Les Paramaka sont établis entre la crique Beïman et la crique Sparouine à Apatou.
Traditions :
Le Grand Man, chef coutumier est garant des rites et gère les conflits. Son pouvoir est reconnu par les autorités de tutelles. Il est assisté par les "Capitaines" qui font régner l'ordre dans les villages. L'animisme domine, modifié par l'imaginaire et l'histoire de chaque ethnie. Le culte rendu aux ancêtres est omniprésent et chaque village possède son lieu de prière, le "faaga tiki".
L'art tembé est un type de décor d'entrelacs dont sont ornées les maisons, les pirogues, les pagaies, divers outils, les vêtements et des objets de la vie quotidienne. Pas seulement décoratifs, les tembés sont un langage qui il y a plusieurs décennies était encore compris par la majorité de la population Bushinengé.
Deux langues sont parlées: le Saramaka par les Saramaka, et le Nengué Tongo parlé par les Ndjuka les Boni et les Paramaka. On parle également la langue du fleuve, le Taki-taki, mélange de Hollandais et d'Anglais.



Le Maroni est une voie de communication essentielle vers les communes intérieures de la Guyane. La pirogue reste donc le principal moyen de transport de la région.
Considéré comme une « autoroute », c’est au départ de la ville de St Laurent du Maroni que s’organisent les « remontées » de personnes et de fret pour les communes qui se trouvent le long du fleuve. Des centaines de rotations avec voyageurs, marchandises sont effectuées chaque jour. Il n’est pas rare d’y croiser une pirogue transportant une voiture, voire des engins de chantier sur deux canots.
Fleuve hors du commun, le Maroni constitue un pilier multi-ethnique pour la population vivant sur ses berges. Il permet de se déplacer, de communiquer, de se nourrir, de réaliser les gestes quotidiens de la vie : se laver, faire la vaisselle, la lessive.
Ses eaux étant internationales, on y voit également une multitude de barges d'orpaillage clandestines en activité. En draguant le lit du fleuve, elles déplacent les alluvions et crées ainsi des bancs de sable se déplaçant au gré des différents niveaux d'eau, ce qui induit de nouveaux passages que devront repérer les piroguiers lors de leurs remontées.

Les piroguiers :
Tous les ans, des piroguiers expérimentés, des « bossman » habiles perdaient la vie dans des sauts déjà franchis un bon nombre de fois. Malgré la connaissance qu’ils pouvaient avoir des sauts et de leurs différentes passes appelées localement « bistouris », ceux-ci restaient imprévisibles.
C’est dans ces passages délicats que la cohésion du binôme motoriste-bossman devait être parfaitement rôdée. Le bossman, que l’on nommait aussi « takariste », car sondant les fonds à l’aide d’une grande perche appelée « takari », devait être très précis dans ses gestes sur lesquels se guidait le motoriste appelé communément et faussement « piroguier », les deux hommes changeant assez fréquemment leur rôle sur des parcours nécessitants plusieurs jours de remontée.
Les meilleurs piroguiers étaient les Noirs-Marrons et surtout les Bonis qui excellaient dans ce métier si particulier et indispensable puisque les fleuves étaient les seuls axes vers l’intérieur des terres, à défaut de pistes ou de routes. Très jeunes, ils sont au contact de leurs aînés, entraînés à franchir les sauts et à acquérir une parfaite connaissance des différents bistouris.
La saison des pluies faisant partie intégrante de l’écosystème du plateau des Guyanes, donne un avantage certain à la navigation.
Les rivières et fleuves voient leur niveau d’eau monter de plusieurs mètres, couvrant tout ou partie des sauts, annulant ces obstacles naturels souvent difficiles à franchir. Les pirogues peuvent alors naviguer plus vite. Là ou parfois trois ou quatre jours étaient nécessaires pour rallier un village ou une petite ville, un jour et demi suffirait.
Les entreprises profitent de cette saison pour transporter leurs matériaux sur des grosses pirogues de fret.
Chargées au maximum, souvent à la limite de la flottaison, elles remontent alors lentement le courant du fleuve. Les sociétés aurifères, attendent le mois de juin et début juillet que les eaux soient le plus haut, pour amener jusqu’à leurs sites d’exploitation du matériel lourd, tels que pelles mécaniques, bulldozers, transportés sur des plateaux posés sur deux pirogues de fret. A côté de cela, les créoles des petits villages répartis le long du Maroni, démontent des engins de débardage, bulldozers, camions, en pièces détachées pour les transporter par petits bouts en pirogue et les remonter une fois sur place...
Cela fait quelques années qu'il est question du désenclavement de la Guyane, notamment d'une piste qui rallierait St-Laurent du Maroni à Maripasoula. D'ores et déjà il existe une route qui va de St-Laurent à Apatou. Pour atteindre Maripasoula, le Maroni offre la voie royale, que les piroguiers, nés de part et d'autre de ses rives se sont appropriés avec brio, pour autant le Maroni, un long fleuve tranquille ?

* Source: Parc Amazonien